11 septembre 2012
Le soumaintrain est très « lactique ». Bien qu’il soit lavé à l’eau, et non au marc de Bourgogne, ses levures en croûtage lui donnent un léger goût d’alcool. Fabriqué au lait entier, il offre beaucoup de douceur. « A minima représente le prolongement de notre idée de la biodynamie, explique Jean-Louis Trapet. C’est un vin très pur, aérien, un vin de plaisir. Il s’agit d’un assemblage de Gamay en grappes entières et de Pinot noir éraflé, sans la moindre trace de soufre. L’union entre le Gamay, gaillard, et le Pinot noir, racé, est explosive. Au domaine, ces deux plants proviennent de la même parcelle de Grands Champs, sur le finage de Gevrey. » Le fromage et le vin engagent ici un dialogue équilibré, sans que l’un ne vienne étouffer l’autre.
« Il s’agit d’un époisses fabriqué à partir d’un mélange de deux laits de la vallée, explique Olivier Gaugry : l’alimentation des bêtes est riche en herbe, et le fromage révèle un côté sauvage. » Savoureux, explosif, tout en nuances, cet époisses se marie de manière immédiate avec le Chambertin 2007 : le fromage comme le vin sont « dopés » par l’association. « Le Chambertin 2007 est une année tout-à-fait extraordinaire, se souvient Jean-Louis Trapet. Si l’on s’était tenu au vieil adage des 100 jours entre la floraison et la vendange, on aurait vendangé au 23 août ! Heureusement, nous avons finalement attendu 120 jours. Aujourd’hui, loin du questionnement de l’été 2007, nous découvrons des vins dont la grâce est immédiate : leur expression aromatique est fruitée, fine et charmeuse. Ce millésime 2007 est synonyme de patience, de plaisir et d’énergie. »
L’usage du nom « L’Ami du Chambertin » a été accordé à la famille Gaugry (et non pas à la fromagerie !) par Jean Trapet, père de Jean-Louis et président de l’AOC Chambertin à l’époque. Le Gevrey-Chambertin est complexe, subtil. Il offre un nez plutôt « confit ». « C’est un vin à la rondeur carrée ! », plaisante Jean-Louis Trapet. Ample, il est prometteur pour une association avec le bien-nommé Ami du Chambertin. Et en effet, le vin « booste » le fromage sans s’effacer : il dégraisse le fromage et souligne ses arômes. Le sel ressort, et pour le vin, c’est un arôme de pruneau qui se dégage par le biais de cet accord.
Jean-Louis Trapet
« Il n’y a pas de grand vin sans grand raisin, l’idée directrice est que le vigneron doit s’effacer », assène Jean-Louis Trapet, dont le discours n’est pas sans rappeler celui d’Emmanuel Giboulot (« On est très copains »). Ses vins sont parfaitement centrés et surprennent par un grand équilibre « entre l’énergie et le fruit ». Généreux, accessible, le vigneron a fait sa première vinification en 1990, avant de plonger dans la biodynamie cinq ans plus tard. « Au départ, c’était simplement pour ne pas empoisonner, avec tous ces produits de synthèse, mon équipe qui passe son temps le nez dans les vignes. Et puis j’ai découvert une vérité fascinante. Pour moi, le vin doit être le reflet du lieu et du temps (météorologique), un lien entre ciel et terre. Quel que soit le vigneron, à mon avis, sur la même parcelle et avec la même matière première, la « patte » du vigneron va s’exprimer au départ, sur les vins jeunes. Mais au bout de 10, 15 ou 20 ans, si le vigneron a eu la même conscience du lieu, le vin aura le même tronc commun. » Mariée à une alsacienne dont les vins révèlent un grand talent là aussi, Jean-Louis connaît Olivier Gaugry depuis l’enfance : « Nous avons deux mois d’écart. A 10 ans, Olivier était mon chef scout ! »
Olivier Gaugry
Détendu, posé, souriant, Olivier Gaugry n’en dirige pas moins l’entreprise familiale, avec son frère Sylvain, en faisant preuve d’une grande assurance. Il a initié une « révolution » voilà six ans, en 2004, en déménageant l’atelier de seulement 500 mètres, mais en gagnant ainsi un accès idéal à la RN 74, sur l’axe Dijon-Beaune, en pleine route des vins (plus de 20 000 véhicules par jour) et en multipliant par cinq sa surface de travail potentielle (5000 m2). Fondée par ses grands-parents après-guerre, la fromagerie Gaugry est l’un des quatre producteurs d’époisses, et la principale laiterie à travailler encore le lait cru. La gamme compte bien d’autres richesses, parmi lesquelles l’Ami du Chambertin, une invention maison, ou le soumaintrain. Olivier est particulièrement attaché à ces deux-là : « L’Ami a été créé en 1950 par mon grand-père, et j’ai relancé le soumaintrain en 1990 : il ne restait plus qu’une poignée de fabricants fermiers en Bourgogne à l’époque. Sa délicatesse me plaît beaucoup ». Dotée d’une belle galerie de visite, la fromagerie Gaugry accueille de nombreux touristes : ce sont Olivier et certains de ses collaborateurs, volontaires, qui leur présentent leur métier, avec un enthousiasme toujours intact.