“Il y a trente ans, la petite fruitière du village a fermé ses portes. On y fabriquait une tomme de vache à croûte sèche pesant environ 6 kilos.”
Le vieil âtre reprend du service lors de visites organisées.
Le village d’Oira et ses maisons aux toits de pierre : un univers minéral un peu austère.
La table de moulage et un poids pour presser le fromage.
Le livre de comptabilité a consigné méthodiquement toutes les livraisons de lait pour le partage des revenus.
Carlo Fiori dans la cave. L’affineur est à l’initiative du sauvetage de la petite fromagerie.
Fromages "Dicrodo" affinés avec le vin local (le Prûnent). Une future appellation d’origine contrôlée.
Une rigole dans le sol, alimentée par une source, permet de conserver une excellent taux d’humidité dans la cave d’affinage.
lundi 17 septembre 2012, par Arnaud Sperat-Czar
Longtemps laissée à l’abandon, la fruitière d’Oira (nord de l’Italie) a été sortie de son sommeil par l’affineur Carlo Fiori en 2004.
Un petit chaudron en cuivre accroché à une potence, un âtre sombre comme la nuit, une table d’égouttage taillée dans le granit, une grosse pierre écrasant de tout son poids un moule en bois, une balance à poids coulissants et un vieux grimoire archivant méthodiquement, au jour le jour, les livraisons de lait. La petite fromagerie d’Oira ne demande qu’à reprendre du service, un plaisir qu’elle ne goûte plus qu’à quelques occasions dans l’année.
Nous sommes dans le val d’Ossola, une vallée rugueuse qui relie les grands lacs du nord de l’Italie à la Suisse. Cet univers minéral et austère est dominé par des pans vertigineux de pierre grisâtre. Sur ses versants, souvent à mi-hauteur, se sont implantés des villages perchés, permettant à leurs habitants, à défaut de confort, de se protéger efficacement des rapines fréquentes dans ce lieu de passage.
Oira est l’un de ces villages, fort d’une centaine d’habitants. Chaque maison, des murs jusqu’aux toits, est en grosses pierres. Il y a trente ans, la petite fruitière du village a fermé ses portes. On y fabriquait une tomme de vache à croûte sèche pesant environ 6 kilos. Les éleveurs qui apportaient leur lait devaient descendre une petite rue escarpée puis grimper un escalier étroit pour accéder au premier étage de la fromagerie. A l’étage, un chaudron de cuivre, noirci par la suie, était suspendu à une potence qui permettait de le guider vers l’âtre au-dessus du feu de bois. D’une capacité d’une centaine de litres de lait, il permettait de fabriquer deux fromages au plus par jour. La cave d’affinage est située au rez-de-chaussée, parcourue, au sol, par un filet d’eau dérivé de la rivière, pour y maintenir un bon taux d’humidité.
Pendant vingt ans, l’ancienne fruitière a été laissée à l’abandon, se dégradant inexorablement. Il y a dix ans, une nouvelle laiterie coopérative regroupant une trentaine d’éleveurs, dont beaucoup montent en alpage l’été, a ouvert à l’extérieur du village, pour fabriquer le Dicodo, une pâte pressée non cuite qui s’apprête à obtenir une Appellation d’origine protégée. Peu après, en 2004, le grand affineur italien Carlo Fiori, patron de la fromagerie Luigi Guffanti, basée à 80 km de là, à Arona, sur les bords du Lac Majeur, a entrepris de réhabiliter l’ancienne fruitière, avec l’aide de Giovanni Tacchini, patron de la nouvelle fromagerie. "Pour conserver la mémoire du terroir et des pratiques anciennes", explique-t-il.
La fruitière restaurée ouvre régulièrement ses portes, sur rendez-vous*. Le vieux chaudron reprend alors du service grâce à l’ancien fromager, Remo, ravi de retrouver ses gestes d’antan et de pouvoir montrer aux écoles et groupes de passage ce que fut la fruitière d’Oira. La cave d’affinage fonctionne, elle, à plein. Carlo Fiori l’utilise pour affiner une sélection de fromages au vin rouge typique du Val d’Ossola (le "Prünent").
Si vous passez par là, faites escale à la chambre d’hôtes, la Ca d’Mate, magnifiquement restaurée. Vous y serez reçu par Mario Garrone, qui pourra vous ouvrir les portes de la fromagerie. Avant de vous faire déguster du Prûnent, dont la famille est un producteur reconnu.
(*) Pour prendre rendez-vous : +39 335 7507609 - cadmate@cantinegarrone.it