Son créneau et son credo : les "petits produits"
vendredi 13 avril 2012, par Arnaud Sperat-Czar
Elle revendique la qualité à l’ancienne, l’artisanat méticuleux, le "travail en profondeur". Se méfie des modes, du marketing, de l’air du temps. Michèle Cols-Boada n’a pas l’étal le plus rutilant du marché des Capucins à Bordeaux. Mais elle se targue de connaître chacun des fromagers qu’elle a choisis pour bâtir son offre, tout au long d’une vie fromagère, initiée sur le tard, il y a 14 ans. Un choix sans concession, basé sur les fromages au lait cru, les "petits produits". Son créneau et son credo.
"Notre éthique privilégie la qualité et le goût, affirme-t-elle : nous privilégions les fromages fermiers, ou a défaut au moins au lait cru. On sait pourquoi on propose tel produit aux clients". A l’appenzeller, elle préfère par exemple le Bémontois, un fromage fermier qu’elle est allée dénicher en Suisse. Et fait réaliser à façon les fromages qu’il lui manque : "j’ai par exemple demandé à un fermier basque de mettre au point un bleu, le "bleu Bethia", au lait de brebis, mais qui ne ressemble pas à un roquefort. On les aidés à le mettre au point. C’est le cœur de notre métier."
Pour cette ancienne étudiante en histoire de l’art, d’origine bordelaise, le déclic est intervenu au contact d’un fromager savoyard, qui vendait sur les marchés. Après avoir fait ses armes avec lui, elle finit par s’installer , en 1998 "aux Capu". Elle se révèle à elle-même, dévore avec appétit son nouveau métier, ouvre de étals ou des boutiques avec une passion quasi frénétique à Lacanau, Bordeaux St-Augustin, au Piraillan, à Libourne, et contribue à former une bonne partie des jeunes fromagers qui ont essaimé et constituent aujourd’hui la relève bordelaise.
Depuis, elle s’est peu à peu recentrée sur les Capu et vient de céder son fond de commerce à un jeune couple, Valérie Barthes et Richard Dhieras. Agée de 65 ans, elle va encore accompagner l’entreprise comme "tuteur", pendant un an. Elle sera là tous les week-ends, continuera de rédiger son petit journal destiné aux consommateurs et d’entretenir la relation avec ses fournisseurs. On ne quitte pas sa famille ainsi.
AU PRINTEMPS :
• Brebis Ossau-Iraty : les petits brebis jeunes arrivent sur l’étal, plus particulièrement les brebis basques de mon ami Ttale. D’une texture compacte, presque friable, ils ont un goût de grillé, de noisette. Plus tard, la pâte sèche se mariera à merveille avec la confiture de cerises noires, presque caramélisée.
• Abondance : ce fromage des alpes au lait de vache est assez proche des gruyères ; il a gardé sa croûte concave qui était autrefois le résultat du transport avec des sangles à dos d’ânes. Avec un affinage moins poussé que le beaufort, sa pâte reste souple, presque fondante sous la langue.
• Pont-L’Evêque fermier : c’est un fromage généreux, qui semble vouloir déborder de sa boîte ; celui que nous vendons a été lavé régulièrement à l’eau salée, ce qui favorise le développement du ferment rouge qui donne une teinte orangée à la pâte et la rend plus ferme.
• Persillé de Tignes : ce fromage produit dans la vallée de Tignes est un fromage de chèvre à pâte recuite (comme les bleus) mais non ensemencée, ce qui donne une pâte blanche, un peu friable, aux saveurs riches.
• Sainte-Maure de Touraine : fromage de chèvre fermier à la saveur équilibrée et d’une grande finesse ; celui que nous vendons provient d’une petite ferme où le souci du détail est poussé à l’extrême : les chèvres bénéficient d’un "parcours de santé" qui leur permet de goûter les herbes et arbustes nécessaires pour avoir un lait riche et complexe !