vendredi 11 juin 2010, par Arnaud Sperat-Czar
Le gaperon est un fromage à coagulation lente, à dominante lactique. Les laits du matin et du soir sont mélangés en fin d’après-midi et mis à coaguler jusqu’au lendemain matin vers 11h.
Un premier égouttage a lieu pendant une journée.
Il faut un coup de rein énergique pour suspendre les grandes poches de 20 litres.
A l’issue de la journée d’égouttage, le caillé est réparti dans de petits baquets, où il est pétri à la main afin que l’ail s’y incorpore mieux ensuite.
Le tout est versé dans un pétrin, où sont ajoutés l’ail frais, le poivre et le sel. Le pétrissage est lancé.
Intervient enfin le façonnage du gaperon, qui va lui donner sa forme définitive : le caillé est réparti dans des carrés de toile métisse suspendus à des crochets. L’égouttage se poursuit pendant deux jours dans un hâloir assez chaud et humide.
L’affinage proprement dit s’effectue en caves plus fraîches. Un duvet de Geotrichum s’implante peu à peu en surface. Patricia Ribier propose également une gamme de fromages aux artesons (acariens). Ceux-ci apparaissent au bout de deux mois. Elle les garde jusqu’à six mois : le fromage brunit et son goût s’affermit tout en gardant une certaine finesse.
1 2 3 4 5 6 7
Malgré son aspect rustique, ce fromage auvergnat exige beaucoup d’attention et de minutie. Reportage chez Patricia Ribier.
Il en faut de l’énergie et de la patience pour fabriquer du gaperon fermier : éplucher 300 kilos d’ail frais à la main par saison, soulever pour les suspendre des poches de caillé ruisselant d’une vingtaine de kilos, façonner à la main chacune des boulettes... Patricia Ribier, 46 ans, ne manque ni de l’une, ni de l’autre. Elle est la dernière fabricante de gaperon fermier, cette boule mal dégrossie de fromage aromatisé à l’ail et au poivre.
Assistée de son mari, Thierry, qui se consacre à l’élevage des 50 vaches, elle en fabrique depuis une bonne vingtaine d’années. Dans la famille, le fromage est histoire de femmes. « C’est ma grand-mère, Francine, qui m’a tout appris, explique-t-elle. Elle utilisait de vieilles chemises pour mouler les fromages ! Elle-même avait tout appris de sa mère. Elle allait sur le marché de Maringue en calèche tirée par un âne. A l’époque, dans toutes les fermes, il y avait des vaches. » Et puis, le boom des céréales et du maïs dans les années 70 a tout bouleversé : « Ceux qui n’étaient pas éleveurs dans l’âme n’ont pas poursuivi. Il n’y a plus eu de lait ! »
L’exploitation est située au pied de la butte de Montgacon, propriété de la famille de Teilhard de Chardin, entre les monts du Forez et la chaîne des Puys, en bordure de la plaine de Limagne, à une quinzaine de kilomètres de Billom, la capitale de l’ail. Un paysage très vallonné, fait de petites collines et buttes. Le château médiéval a été détruit à la Révolution.
« Historiquement, explique Patricia Ribier, les paysans fabriquaient le fromage à partir de petit-lait. Cela ne devait pas avoir beaucoup de goût, c’est pourquoi ils l’ont assaisonné avec du poivre et de l’ail. Avec l’arrivée des écrémeuses, la lait a été de plus en plus écrémé et les fromages sont devenus trop secs. » Alors, Patricia, comme les autres producteurs de gaperon, travaille au lait entier.