jeudi 12 décembre 2013 , par Arnaud Sperat-Czar
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En plein centre de Lyon, Christian Janier, arrière-petit-fils, petit-fils et fils de fromager, perpétue la tradition de l’affinage, pour une clientèle exclusive de fromagers détaillants.
C’est un domaine où seuls pénètrent les professionnels : des crémiers-détaillants français, mais aussi des importateurs étrangers, en quête de « produits bien à point ». A quelques centaines de mètres de la gare de Lyon-Perrache, Christian Janier, qui a conquis le titre de Meilleur Ouvrier de France en 2000, règne sur 800 mètres carrés de caves fraîches et humides, réparties sur deux niveaux.
Un véritable dédale équipé de planches d’épicéa (1,8 km !) et de claies sur lesquelles s’affinent, dans la pénombre, des milliers de meules, fourmes, crottins, bondes, galettes... en provenance de près d’un millier d’exploitations, dont une grosse majorité de fermiers et d’artisans. Des stars incontournables comme le comté, le beaufort ou le reblochon, jusqu’aux petites spécialités confidentielles comme le Caillé doux de saint félicien ou le Grataron d’Arêches.
Sept à huit employés, selon la saison, s’affairent quotidiennement autour des fromages pour leur procurer des soins d’affinage : brossage, lavage, retournement, frottage... Ici pour favoriser le développement de telle fleur sur la croûte, là pour empêcher que telle autre ne prenne le dessus, là encore pour que des cirons trop gourmands ne plongent trop profondément dans la pâte. Mais toujours avec le même objectif final : faire mûrir les produits pour qu’ils révèlent tout leur potentiel aromatique. Alors qu’un petit mois suffira pour un camembert de Normandie, il faudra plusieurs semestres pour un comté, voire plusieurs années pour une mimolette.
Selon les entrées et sorties, les caves sont toujours remplies de 90% à 100% de leur capacité. Christian Janier dispose de 13 ambiances différentes : plus ou moins de fraîcheur, plus ou moins d’humidité dans l’air, plus ou moins de ventilation... Une connaissance intime que lui ont transmise les trois générations qui l’ont précédé, renforcée par son passage sur les bancs d’une Ecole d’industrie laitière lorsqu’il a décidé de se lancer dans le métier.
Le client type de la maison vient s’approvisionner en une quarantaine de références, certains dépassant allègrement la barre des 100. Mais on ne vient jamais ici pour acheter un seul produit. Car, comme pour l’affinage, le patron, qui aime laisser du temps au temps, n’est pas adepte des coups ponctuels mais du travail dans la durée. Le petit musée privé dédié aux outils fromagers, qu’il a installé au-dessus de ses bureaux, en atteste.