jeudi 3 octobre 2013 , par Arnaud Sperat-Czar
Ses origines se perdent dans les méandres de l’histoire suédoise et sans doute suisse : inspiré de l’emmentaler, mais désormais dépourvu des gros trous qui font l’identité du fromage helvète, le « Wrångebäck Sweden », archétype des fromages suédois dits « de manoir », a été le premier fromage à être officiellement enregistré dans le pays scandinave. La fromagerie « Almnäs Bruk » le fabrique au lait cru et biologique, selon un savoir-faire éprouvé : le fromage est produit sur la ferme depuis 1889, avec une interruption de 1961 jusqu’à 2008, date de sa résurrection. Il est désormais fabriqué dans la vieille distillerie, bâtie en 1770 et entièrement reconvertie en atelier fromager.
A la tête de la fromagerie, Thomas Berglund incarne la quatrière génération familiale de fromagers du domaine. La propriété, riche de 3 500 hectares et organisée autour d’un majestueux manoir, bâtisse néoclassique aux murs blancs et aux tuiles rougeâtres, a été créée en 1225 par une communauté monastique.
Les pâtures accueillent quelque 400 vaches de race Holstein et, de manière plus originale, une cinquantaine de vaches issues d’une race norvégienne menacée de disparition, la « Vestlandsk Fjordfe », à la robe gris-brun pâle. « Il n’en reste plus que 600 au monde, détaille Thomas Berglund, nous en élevons une cinquantaine. Elles produisent un lait particulièrement riche et intéressant. »
Cette grosse tomme de 7 à 10 kilos, au goût franc et rustique, a été élue « meilleur fromage suédois » par l’équivalent local du Guide Michelin, le « white guide ». Sa croûte brossée régulièrement à l’eau et au sel en cours d’affinage, abrite une pâte riche et compacte aux parfums intenses. Elle est affinée de 12 jusqu’à 24 mois. Au fur et à mesure de sa maturation, des petits cristaux d’acides aminés viennent consteller sa pâte.
La fromagerie produit également le « Almnäs Tegel » (selon une recette de pâte dure intermédiaire entre le gruyère et le parmesan), reconnaissable à son empreinte de pied d’enfant gravée sur la croûte (lors de la construction du manoir, en 1750, un enfant avait laissé son empreinte sur une brique en train de sécher) ainsi que le « Anno 1225 », dont l’aspect évoque le bastellicacia corse moulé dans un panier d’osier mais dont la recette est plus proche d’une tomme de Savoie.
Thomas Berglund nourrit au moins deux rêves : parvenir à exporter son fromage hors des frontières scandinaves et réussir à élever suffisamment de « Vestlandsk Fjordfe » pour réussir à fabriquer un fromage totalement issu de leur lait. Au goût encore plus intense...
Elle est suédoise comme l’indique son nom gravé sur le talon du fromage : cette grosse tomme fermière au lait bio et cru vient de loin...