mercredi 29 janvier 2014, par Arnaud Sperat-Czar
Elle était agricultrice, elle est devenue productrice fermière, puis détaillante... sans renoncer à aucun de ces trois métiers. Rencontre avec Carole Depigny-Châtel, dynamique fromagère savoyarde en quête permanente de nouveauté.
Il a suffi d’une rencontre avec Pierre Gay, fromager détaillant installé dans le cœur d’Annecy, pour que tout s’enchaîne très vite : Carole Depigny-Chatel était une jeune fabricante fermière de tommes et de fromages lactiques, à Poisy, petite commune rurale située à quelques kilomètres d’Annecy, lorsqu’elle a rencontré le Meilleur Ouvrier de France à l’occasion d’une manifestation à laquelle elle participait pour les éleveurs laitiers...
« Une amie m’a emmenée à midi dans son magasin, raconte-t-elle. Je portais un badge syndical et un T-Shirt "fière d’être agriculteur". Pierre Gay a engagé la conversation et m’a proposé son aide lorsque je lui ai raconté mon projet d’ouvrir un magasin de produits de terroir. Cela a été la plus précieuse de mes rencontres. Je l’ai rappelé quelques semaines après et nous avons commencé à travailler ensemble. Il est devenu en quelque sorte mon coach. On est tellement dans l’individualisme aujourd’hui, que ce sens du partage, c’est super-chouette. J’ai toujours besoin de ses conseils. Il me fournit une partie de ma gamme, surtout des pâtes dures. »
La boutique est un petit chalet coquet situé en bordure de route dans un hameau situé à l’extérieur du village. Au sous-sol, une fromagerie flambant neuve, dotée de large baies vitrées qui laissent entrer des flots de lumière sur les fromages à l’égouttage, et une longue salle d’affinage parée de briques.
L’installation tourne à plein : la fromagère, 42 ans, s’épanouit en donnant libre cours à son sens de la créativité. Elle a ainsi lancé une tomme reblochonnée (le Ronzy, du nom de son hameau), une tomme blanche (caillé frais en faisselle...), une tomme au marc, ainsi que les Collinettes, de petits amuse-bouches en forme de bouchons, aromatisés, au choix, de poivre, paprika, ail et fines herbes, curry...
L’une des créations dont elle est la plus fière est la "Croix de Savoie de l’Angélie", reproduction haute en couleurs du blason régional, issue d’un caillé très ferme (préégoutté), "pour que cela se tienne mieux". Elle a fait réaliser sur mesure le moule et procédé à plusieurs essais pour obtenir la couleur rouge, avec le concours de ses clients, pas convaincus par le paprika et le piment d’Espelette. C’est finalement la bruschetta (tomates, ail, oignons, poivron, origan, basilic...) qui a emporté les faveurs de tous.
Ce jour-là, à notre arrivée, elle est fière de faire découvrir ses six premières raclettes fermières, dont elle a confié la maturaiton à un fabricant et affineur savoyard reconnu pour sa maîtrise de cette spécialité. L’ensemble de la production maison est au lait cru.
« Je suis rentrée sur l’exploitation il y a une quinzaine d’années, à l’âge de 25 ans, reprend-elle, après avoir travaillé dans le milieu bancaire. Le matin, je m’occupais de la traite des vaches et l’après-midi des tâches administratives. Le lait était alors entièrement livré à une coopérative. Je voulais avancer, créer, ne plus seulement traire. On sentait également, à l’époque, arriver la crise laitière, c’était le moment de se diversifier. Mais je n’y connaissais rien... »
L’aventure n’était pas gagnée d’avance et le projet d’installer une fromagerie de détail dans une bourgade rurale risqué. Mais après un stage dans une fruitière locale et avoir compulsé beaucoup d’ouvrages, Carole n’hésite pas et se lance, résolument, « avec beaucoup de théorie et très peu de pratique ». Avec bonheur : « Je ne suis désormais plus trop agriculture, mais pas non plus totalement détaillante. J’adore à la fois le contact de la vente et retourner traire de temps en temps et passer du temps à la ferme ».
Depuis deux ans, croissance aidant, elle s’appuie sur l’enthousiasme d’Elodie, 25 ans, venue la seconder en 2011 : « Elle a poussé ma porte, elle cherchait alors un stage pour devenir inséminatrice, le fromage lui a plu, elle a suivi ensuite un certificat de spécialisation en produits laitiers à l’Ecole nationale de l’industrie laitière de la Roche-sur-Foron. »
Le cheptel de la ferme est composé principalement de Montbéliardes, associées à quelques Brunes des Alpes et Holsteins. En tout 65 vaches laitières, sur lesquelles veille son mari et qui pâturent, dès que le climat le permet, dans les prairies avoisinantes. L’exploitation produit ainsi quelque 400 000 litres de lait par an, dont seuls 10% sont pour l’instant transformés en fromage sur place. En attendant plus.
mar - jeu : 16:00 - 19:30
ven : 09:30 - 12:00, 16:00 - 19:30
sam : 09:30 - 12:30, 16:00 - 19:00