lundi 2 juin 2014 , par Debora Pereira, Karen Pottier
Frère Bernard-Marie est fier de présenter ses fromages, dont son dernier-né, le fromage affiné à la bière trappiste.
Face à la raréfaction des vocations, la fromagerie de l’abbaye compte aujourd’hui également sept employés laïcs.
Dès la fin du 16e siècle, le Mont des Cats fut occupé par les frères Antonins. L’abbaye, quant à elle, fut progressivement construite au cours du 19e siècle.
Avant les années 2000, les troupeaux des fermes voisines approvisionnaient la fromagerie de l’abbaye en lait.
Chaque jour, les moines trappistes se consacrent à la contemplation et à la prière, et se retrouvent durant les sept offices de la journée.
Les moines supervisent le remplissage des cuves, le lavage, ainsi que les paramètres du pasteurisateur grâce à un système de réseau intranet.
Une fois le caillé moulé, un moine est chargé de déposer les casquettes, avant que les fromages ne passent sous presse.
Le caillé est moulé de manière entièrement automatisée par deux mouleuses, via une pompe à caillé.
Les frères affectés à la fromagerie travaillent dans le but d’assurer le gagne-pain de la communauté.
Les fromages passent sous une presse pneumatique.
Après un bain de saumure, les fromages sont placés en cave sur des planches d’épicéa, où ils seront retournés et lavés régulièrement.
Les planches d’épicéa sont lavées régulièrement.
L’abbaye possède deux caves, dans lesquelles Frère Bernard-Marie veille au bon affinage des fromages.
La production de fromage de l’abbaye s’élève à 180 tonnes par an.
Les fromages de l’abbaye sont commercialisés principalement dans la région Nord-Pas-de-Calais.
Des affinages soignés...
Les fromages sont régulièrement lavés et retournés.
Frère Bernard-Marie a breveté un tout nouveau type de récipient, afin d’immerger son fromage affiné à la bière.
Les grilles qui les séparent permettent aux fromages de bien s’imprégner de la bière, et de ne pas coller entre eux.
Chaque tube peut contenir cinq fromages, mais à terme Frère Bernard-Marie espère développer cette production spécifique.
Depuis qu’il a repris en main la fromagerie de l’abbaye du Mont-des-Cats, au nord de Lille, Frère Bernard-Marie ne cesse d’innover pour assurer la pérennité de la communauté.
On a beau s’inscrire dans une tradition séculaire – celle des abbayes trappistes –, on n’en reste pas moins ouvert aux évolutions technologiques. Depuis 35 années qu’il préside aux destinées de la fromagerie de l’abbaye du Mont-des-Cats, Frère Bernard-Marie à beaucoup œuvré à la modernisation de l’outil, vital pour la communauté de moines : le fromage contribue à 80% de son financement. L’abbaye, construite au milieu du 19e siècle, en briques rouges, au sommet d’une colline arborée, est située à mi-chemin entre Lille et Dunkerque, tout près de la Belgique, le pays où il est né.
Originaire de Bruges, ingénieur en électronique de formation, le jeune frère, aujourd’hui sexagénaire, rêvait d’un autre destin : lorsqu’il choisit, en 1978, à la fin de ses études, la voie monastique, c’est pour se consacrer à la prière et aux sept offices quotidiens : la vocation des Trappistes est contemplative. Mais au début des années 1990, c’est le costume de "sauveur" qu’il doit endosser : la fromagerie est à la dérive, les ventes chutent dangereusement, l’abbaye risque la faillite, il y a urgence. En raison de son profil technique, Frère Bernard-Marie est envoyé dans une école laitière (l’Enil de Poligny), en revient avec un brevet d’étude professionnel et redresse la situation, avec des choix radicaux : "Il était crucial que nous puissions assurer la qualité et la régularité des fromages", se défend-il.
Aujourd’hui, il est fier de présenter un outil hyper-moderne, "entièrement aux normes", largement automatisé, très proche du modèle industriel, avec des mouleuses automatiques alimentées par une pompe à caillé. La crise des vocations, qui n’a pas épargné le Mont-des-Cats, ne permettait pas d’envisager d’autre voie : la communauté ne compte plus que 28 moines, contre 70 dans les années 1980. Il a donc fallu faire appel à du personnel extérieur : Frère Bernard-Marie dirige 14 personnes, dont la moitié sont des salariés laïcs.
De retour de formation, il fait tout d’abord installer un thermiseur dans la fromagerie, car le lait récolté dans les différentes petites fermes des alentours est difficilement contrôlable. Les années 90 sont fastes... jusqu’à la survenue d’une crise de listeria qui oblige les moines à vider entièrement la cave et stopper la production pendant pratiquement un an. Désormais, le lait sera pasteurisé. En 2004, l’abbaye finit par céder sa zone de collecte à la laiterie Danone de Bailleul, qui lui envoie désormais tous les deux jours un camion citerne chargé de 15 000 litres de lait. Lorsque la fromagerie avait été créée en 1848, en reprenant la recette mise au point par l’abbaye du Port-du-Salut (Mayenne) en 1816, c’était alors le troupeau conduit par les moines qui fournissait le lait. Au moins, contrairement à d’autres abbayes, les fromages sont toujours fabriqués et affinés sur place. Un tunnel, qu’il a fait construire, permet de relier la salle de fabrication aux caves d’affinage, où Frère Bernard-Marie a tenu à conserver les planches en bois, "dans le respect de la nature".
Surtout, il s’est mis au goût du jour avec pragmatisme : "Les consommateurs attendent aujourd’hui une pâte plus souple et plus onctueuse qu’il y a trente-cinq ans", constate-t-il. Le gros de la production concerne le "Mont des Cats" nature, à la coupe et à la pièce, affiné pendant un mois. L’"Affiné des Trappistes" et le "Dessert des Trappistes" séjournent en cave durant trois mois, tandis que le "Flamay", une pâte demi-cuite à croûte orange, de type mimolette, est affiné durant deux mois. Un gros fromage rectangulaire est produit uniquement pour l’auberge attenante à l’abbaye : c’est un bloc de 8 kilos, qui est affiné plus longuement.
La grande nouveauté de l’abbaye, dont Frère Bernard-Marie est l’instigateur, est un fromage de 2 kilos affiné à la bière trappiste du Mont des Cats, produite à Scourmont. Le fromage n’est pas seulement frotté à la bière : après avoir été salé dans un bain de saumure, il est littéralement immergé dans de la bière pure pendant 48 heures, à l’intérieur d’un récipient en forme de tube vertical qu’il a fait breveter. Celui-ci possède des grilles intermédiaires pour que chaque fromage soit bien séparé des autres et soit imprégné sur tous les côtés. Chaque tube peut contenir cinq fromages. Aujourd’hui, Frère Bernard-Marie produit 75 fromages à la bière par semaine, mais a l’ambition de développer cette production spécifique. Et cette technique confère au fromage "un goût de noisette sans l’amertume de la bière".
Rédaction : Karen Pottier - Vidéo : Debora Pereira