Le bleu de Gex, André Mathieu, 59 ans, le connaît intimement. Il en fabrique depuis trois décennies, dans l’extrême sud de la Franche-Comté, à Chèzery-Vorgens , à la Fromagerie de l’Abbaye, l’un des quatre ateliers produisant ce bleu d’appellation d’origine contrôlée. Une imposante crête rocheuse sépare le petit village franc-comtois du Lac Léman, situé à 20 km à vol d’oiseau. "Nous sommes ici dans la partie la plus élevée du massif du Jura", annonce-t-il.
<- André Mathieu en cave d’affinage
Tous les matins, à 3 heures, le camion de la fromagerie coopérative part collecter le lait de 9 éleveurs pour revenir à l’atelier, après 110 km de routes escarpées, 1 heure 30 à 2 heures plus tard. "Nous mélangeons le lait de la traite du matin, encore chaud, à celle, refroidie pendant la nuit, de la veille au soir", précise-t-il.
<- Dans l’atelier de fabrication : Anne Smigielski, stagiaire, procède à un léger écrémage du lait, avec son emprésurage.
André Mathieu est natif du village, installé au fond d’une vallée. Le fromage n’était pas sa vocation : titulaire d’un CAP de mécanique, il s’est rapproché de la nature en devenant, pendant trois ans, bûcheron, puis en saisissant l’opportunité de rentrer à la "Fromagerie de l’abbaye", dont il est désormais le gérant.
<- La fromagerie est située au cœur du petit village. Elle est équpée d’une galerie de visite qui surplombe l’atelier et permet d’assister à la fabrication.
"Il y a trente ans, raconte André Mathieu, le village comptait cinq fromageries, qui collectaient le lait de bien plus d’éleveurs qu’aujourd’hui. Mais beaucoup d’entre eux n’avaient que deux vaches. Globalement, les volumes se sont maintenus."
<- André Mathieu procède au « décaillage ».
Ce jour là, au plein cœur de l’été, la fromagerie va transformer 6 000 litres de lait (2,2 millions par an). Principalement en bleu de Gex (170 tonnes par an). L’atelier produit également de la tomme du Jura et, plus modestement, du comté (30 tonnes par an, 6 meules par jour au maximum).
<- La mise en moule du fromage.
A cette époque de l’été, les vaches, toutes de race Montbéliarde, passent nuits et jours dans les alpages. Sorties des étables fin avril-début mai, elles y retourneront début novembre. "Le passage à l’herbe fraîche est toujours la période la plus délicate pour le fromager", explique André Mathieu, entouré de 9 employés : "tous les paramètres de fabrication changent. Le goût et la texture du fromage évoluent. Moins, tout de même, que pour le comté, dont les fromages d’été se différencient plus nettement que ceux d’été, ne serait-ce que par la couleur de la pâte"
<- Montbéliardes au pâturage, à l’extérieur du village.
Le bleu de Gex (Appellation d’origine contrôlée, appelé aussi "Bleu du Haut Jura" ou "Bleu de Septmoncel") est un bleu assez peu connu hors des frontières régionales. Il aime la discrétion, offrant, contrairement à beaucoup d’autres bleus de France, une grande douceur. Sa pâte est légèrement humide, devient même parfois un peu sèche. Le bleu apparaît de façon mouchetée grâce à l’ajout de Penicillium glaucum dans le lait avant la mise en fabrication.
En tout début d’affinage, les fromages sont piqués avec des aiguilles pour permettre à l’oxygène de prospérer à l’intérieur de la pâte.
<- L’inscription Gex a été inscrite en creux dans le fromage juste après le moulage.
Obligatoirement fabriqué au lait cru, le bleu de Gex doit être affiné au minimum 21 jours pour avoir droit à l’AOC.
<- Sondage d’une meule pour vérifier la bon développement du bleu.
A la Fromagerie de l’abbaye, où l’on affine les fromages sur des planches d’épicéa, on aime porter une sélection à 4 mois d’affinage. C’est ainsi qu’André Mathieu le préfère : le bleu prend alor le nom de « Perrachu », une marque propre à la petite fromagerie, et se distingue alors par une pâte étonnamment fondante, plus haute en saveur, plus longue en bouche, sans perdre de sa délicatesse.
André Mathieu dirige l’un des quatre ateliers franc-comtois spécialisés dans le bleu de gex, ce fromage souple à la pâte mouchetée de bleu qu’il connaît intimement.