mardi 13 septembre 2011, par Arnaud Sperat-Czar
Il a quitté le vignoble bordelais familial pour relancer le domaine de la Bégude au sommet de l’appellation Bandol. Sans se trahir, ni trahir la nature des lieux.
Un Bordelais qui travaille un vin du Sud à la Bourguignonne. Ainsi pourrait-on résumer d’une formule, nécessairement réductrice, Guillaume Tari, personnage fantasque et sybarite, grand amateur de musique classique, mais aussi travailleur acharné et méticuleux. Ce Gascon de souche, élevé dans les vignes de l’appellation Margaux et dont la famille possède le château Giscours, a pris les rênes du Domaine de la Bégude en 1996, avec sa femme, la solaire Soledad, aux origines espagnoles, pas mécontente de retrouver la chaleur du Sud. Une propriété de 500 hectares, tout à fait à part, la plus haut perchée de l’appellation Bandol. Le vignoble culmine à 400 mètres et surplombe la baie de la Ciotat et la Méditerranée.
En une quinzaine d’années, en ne lésinant pas sur les moyens, le couple a remis en culture les terrasses et les restanques, déblayé les roches affleurantes, reconstruit des murets, reconquis le maquis pour y planter 7 cépages sur 17 ha, majoritairement du mourvèdre, le cépage-roi du Bandol. Tout autour, des bosquets de chênes kermes, des oliviers, la garrigue…
Mourvèdre, le cépage-roi du Bandol
Au volant d’un vieux 4 x 4 débâché, Guillaume Tari prend plaisir à parcourir le domaine pour raconter cette lente et méthodique reconquête entreprise sous le sceau du respect absolu de la nature : pas d’engrais chimiques, pas de désherbants, pas de fongicides, et un cloisonnage très méthodique des parcelles pour prévenir la propagation des incendies.
Le milieu est hostile, même si le Mistral, freiné par la Sainte-Baume, est moins insistant qu’ailleurs. Son principal problème, ce sont plutôt les sangliers, très attirés par les baies gorgées de jus lors que le « cagna » sévit. Il les nourrit de céréales pour les rassasier et les éloigner de ses précieuses vignes. Guillaume lit les courbes du sol, exhume un ancien chemin dallé romain, discerne dans les variations de couleur du sol les différences de tempérament de ses vins
« D’abord la vigne, puis le vin ». Ainsi définit-il sa philosophie. Il prêche une logique de haute couture, reposant sur une compréhension fine des climats et micro-climats, « à la Bourguignonne », tout en recourant aux bonnes vieilles barriques bordelaises, plutôt qu’aux foudres, pour élever ses vins. Sa cuvée « la Brulâde », la plus célèbre de ses Bandol rouges, qu’il ne sort que les grandes années, offre, sous un nez graphité, un tempérament nerveux, concentré, presque austère. Mais, ce jour-là, ce sont ses vieux rosés (5 ans), gras et acidulés, aux notes d’agrumes et de poivre, à la bouche satinée et à la profondeur insondable, qui nous ont subjugués. Il n’en doutait pas : « Un terroir qui produit de grands rouges est capable de produire de grands rosés ». Il produit ainsi environ 60 % de rosés et 40 % de rouge.
De retour dans ses chais, où il organise régulièrement des concerts, Guillaume Tari narre, entre cuves en inox thermo-régulées et barriques, la renaissance de la bastide qui surplombe le domaine et sa patiente restauration. La maison, aux fondations millénaires, est dominée par un campanile qui couvre l’horizon à 360 degrés. Un vaste patio, caressé par les effluves des parterres de lavande, offre un havre de paix et de fraîcheur. Un lieu magique. « Nous sommes situés sur l’aboutissement le plus élevé du chemin qui menait de Toulon à Marseille, raconte-t-il. Le chai actuel était auparavant une chapelle mérovingienne du 7e siècle de la seigneurie de Conil, village aujourd’hui disparu. Nous avons retrouvé trace de cuves de vinification datant du 14e siècle. Bégude signifie d’ailleurs “ le lieu où l’on boit ”, du vin principalement car ce site ne dispose pas de source... » Un lieu que les Tari partagent volontiers : ils ont aménagé quatre chambres d’hôtes. Un cadre béni pour déguster les « vins élégants mais complexes » que le couple couve dans ses chais...