mardi 12 mars 2013
Avec ardeur, ténacité et intransigeance, le chevrier poitevin œuvre depuis près de quarante ans à la défense des traditions locales. Il est l’un des grands artisans de la renaissance du mothais-sur-feuille.
Tous les écoliers français le savent par cœur : en 732, les troupes de Charles Martel, souverain du royaume des Francs, arrêtèrent à Poitiers les Sarazins, ainsi qu’on dénommait à l’époque les Musulmans. Mais peut-être ceux-ci laissèrent-ils en héritage l’élevage des chèvres. La région Charente-Poitou est aujourd’hui en France la toute première productrice de fromages de chèvre, avec de grosses coopératives, des artisans plus modestes et des producteurs fermiers comme Paul Georgelet, ici dans son atelier, avec son fromage emblématique dans les mains : le mothais-sur-feuille.
L’exploitation de Paul Georgelet est située à une heure de route au sud de Poitiers, à Villemain. Son cheptel compte 500 chèvres, un nombre important pour un producteur fermier, mais avec un très grand souci du bien-être animal, notamment. La quiétude qui règne dans la longue chèvrerie en témoigne sans ambiguité. Paul est très attaché à l’alimentation de ses bêtes : "Nous parvenons à 85% d’autonomie alimentaire, annonce-t-il fièrement. Le foin de luzerne, le sainfoin et les céréales (orges, avoine, maïs) sont produits directement sur la ferme. C’est l’un des critères fondamentaux du lien au terroir."
Le mothais sur feuille se présente sous la forme d’un haut palet à déguster bien crémeux. Il est délicatement posé sur une feuille de châtaignier (brune, prête à tomber de l’arbre, et non verte). Un simple artifice de présentation ? Loin de là : les fromages, à condition d’être placés sur feuille dès le début d’affinage, présentent une pâte plus crémeuse et une croûte plus fine, ainsi que senteurs de sous-bois plus épanouies que des fromages utilisés sans feuille. Historiquement, la feuille aidait les fermiers à conserver plus longtemps les fromages et leur permettait ainsi de reporter jusqu’à la fin de l’été l’abondante production laitière du printemps.
C’est en grande partie grâce à Paul Georgelet, ici en salle de fabrication, que le mothais sur feuille est aujourd’hui engagé dans une démarche de reconnaissance AOP. C’est à l’âge de 19 ans, en 1975, que ce passionné au verbe haut a créé son atelier de fabrication et sorti l’année suivante sa première création, le Saint-Paul, un petit palet de chèvre de la taille d’un pélardon. "A l’époque, dans la région, les gens produisaient tous ou presque pour vendre leur lait. Transformer, c’était marginal. Mes parents eux-mêmes, agriculteurs et éleveurs, vendaient leur lait à la coopérative de Chef Boutonne." Ses parents ne souhaitaient pas qu’il continue l’exploitation, jugée trop petite (50 chèvres et 23 hectares).". Lui n’a jamais réussi à se détacher de la terre ! Et a alors entrepris de faire renaître, au début des années 80, le mothais-sur-feuille, avec les encouragements de plusieurs grands fromagers considérés comme des maîtres. Le début d’une longue histoire.
Les fromages de chèvre de Paul se trouvent aujourd’hui chez les crémiers-fromagers de France, d’Europe, du Canada ou du Japon. "Petite ou grande enseigne, nous ne faisons aucune différence, tous mes clients forment une grande famille.
www.paulgeorgelet.fr